8 juin 2007

Entretien avec M. Jean-Claude Mallet, de Force Ouvrière


Jean-Claude Mallet est membre du syndicat Force Ouvrière, spécialiste des questions de santé en tant qu’ancien président de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, dont il est aujourd’hui l’un des conseillers.

Tout au long de sa carrière, M. Mallet s’est occupé des questions de santé, et notamment de tout ce qui concerne l’assurance maladie, les allocations familiales et les retraites, mais également des problématiques de santé au travail, dont l’insertion des handicapés.

Êtes-vous satisfait du modèle de santé français, et quels en sont, selon vous, les principaux points forts et faibles ?

Je suis très satisfait de notre modèle de santé, et très optimiste quant à son avenir. Notre système de santé est basé sur l’égalité et la solidarité. Les Français payent en fonction de leurs revenus, et reçoivent des soins en fonction de leurs besoins. C’est le concept de gestion paritaire.

Notre système de santé se situe parmi les premiers mondiaux. En effet, en juin 2000, l’Organisation Mondiale de la Santé a publié un rapport classant les meilleurs modèles de santé d’après cinq critères, dont le rapport qualité/prix. La France arrive en tête de ce classement, ce qui montre à quel point il a fait ses preuves.

En ce qui concerne les améliorations à apporter à notre modèle de santé, je crois que l’essentiel des efforts à accomplir réside dans la prévention. Il est à noter que la prévention, en matière de santé, coûte très cher. Il va donc falloir trouver des sources de financement pour développer cet aspect dans les années à venir. Le financement de notre système de santé est indiscutablement le principal problème à résoudre, comme dans l’ensemble des pays industrialisés. A ce titre, la notion de coût est arrivée tardivement en France.

Pendant longtemps, la notion d’évaluation de la pratique médicale était bannie. Le corps médical refusait la maîtrise médicalisée, qui permet pourtant une maîtrise des coûts. Puis, la notion de bonnes pratiques est rentrée dans les mœurs. C’est l’évolution de l’assurance maladie. Une fois passé le cap de la peur du progrès, les mentalités ont bien évolué.

La croissance annuelle des dépenses de santé devrait évoluer vers 2 %. Contrairement aux prévisions de certains analystes, le 0 % ne me semble pas réaliste. Pour financer cette croissance des dépenses, notre système a besoin d’évoluer. Mais pour cela, il a besoin de temps. Aujourd’hui, sa gestion nécessite 70 000 salariés, répartis entre corps médical et corps administratif. Il s’agit d’une véritable usine à gaz. De plus, le taux de remplacement des fonctionnaires partant à la retraite est d’environ 60 %. La complexité et la taille des ressources publiques dédiées à la santé impliquent donc du temps pour évoluer.

Il est essentiel de ne pas fermer les yeux sur le problème de financement de la santé. Les besoins vont en augmentant. Ne pas vouloir les prendre en compte est une absurdité, qui mène toujours à la crise. Cela doit passer par une augmentation des cotisations, pour soutenir la dépendance.

Quels aspects de notre modèle de santé pensez-vous que nous pourrions exporter ? Dans quels pays ou régions ?

Le modèle de santé français est transposable en l’état dans d’autres pays, quelle que soit la nature du pays, ou sa situation financière. L’idée d’exporter certains aspects de notre système de santé nécessiterait bien évidemment un certain nombre d’adaptations aux cultures locales, mais il a une vocation universelle. Ceci est lié au fait que le modèle français correspond à une approche collective, et non individuelle. L’exemple du Maroc, qui s’en inspire beaucoup, montre tout son potentiel à l’export. Par opposition, le système américain est celui qui coûte le plus cher, et qui couvre le moins de personnes.

La première chose à organiser est l’hospitalisation, où l’apport est peut-être le plus facile, en tentant de gommer nos dysfonctionnements. De nombreux progrès peuvent être faits dans l’organisation rationnelle de services, et la formation du corps médical. La France peut parfaitement envisager d’exporter un hôpital « clef en main ». La difficulté consiste à établir qui le mettrait en place, le financerait. Là aussi, une nécessaire évolution des mentalités. Ce type de projet est trop souvent perçu uniquement en termes de dépenses, occultant tous les bénéfices qu’il apporterait à la population locale.

Le second aspect à développer, notamment pour améliorer l’efficacité de nos hôpitaux à l’export, est la coopération entre médecine libérale et publique. De même qu’il faut insister sur ce point en France, il est important de développer une forte complémentarité entre médecine libérale et hospitalière.

Enfin, l’exportation de notre modèle de santé ne se fera pas sans une véritable vision stratégique. Cette stratégie fait défaut et beaucoup de tort à la France. L’exemple des conseillers sociaux est éloquent. Sous tutelle du Ministère de la Santé, sept conseillers sociaux sont mandatés à travers le monde. Leur mission n’est pas claire, et ne répond à aucune stratégie. De même, les laboratoires français, comme Fabre, réalisent une partie importante de leur chiffre d’affaires à l’étranger, mais la stratégie fait défaut, qui n’est pas accompagnée d’une volonté affichée de conquérir des parts de marché. « Les politiques ont le nez dans le guidon », et semblent étrangers à toute vision stratégique.

Concluons sur une touche d’optimisme justifié. D’après un sondage réalisé récemment, 51 % des Européens sont satisfaits de leur système de santé. En France, ce taux de satisfaction s’élève à 74 % !!!

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