8 juin 2007

Entretien à la Haute Autorité de Santé (HAS)


Benjamin FERRAS, Directeur de cabinet de Laurent DEGOS

· Le fonctionnement de la HAS.

La Haute Autorité de Santé (HAS) est une autorité indépendante crée en 2004.

La loi du 13 août 2004 a eu pour but de clarifier les rôles des différentes institutions. L’assurance maladie solvabilise la demande à 75% (grâce à la DREES et la DRAS)

Répartition des offreurs de soins : Hôpitaux et cliniques (55%), professionnels libéraux (45%). Ainsi l’assurance maladie n’a pas le contrôle sur toutes ses dépenses. Nous sommes dans un système de « payeur aveugle ».

A la différence des Etats-Unis et du Royaume-Uni, en France les acteurs fournisseurs de santé ne sont ni tous publics ni tous privés. Ce statut complexifie les négociations entre ces acteurs.

L’idée que « la santé n’a pas de prix » est en contradiction avec une idée de budget.

Les succès du système de santé se matérialisent par un fonctionnement solidaire, un haut degré de prise en charge par la collectivité nationale (en particulier pour les affections de longues durées – 100% pour ces soins).

En 1996, Alain Juppé lance une réforme afin de maîtriser les dépenses de santé en collaboration avec les professionnels du secteur (idée de l’acte fluctuant selon l’enveloppe).

En 2004, face à la dette importante du système de santé, la clarification des rôles des acteurs ainsi que de leurs missions s’est imposée comme nécessaire (Présentation complète de la reforme dans la revue Regard sur l’actualité à la documentation française).

C’est dans ce contexte que la HAS a reçu comme attribution le contrôle de la qualité des soins, c’est à dire s’assurer que les actes de soins soient produits et procurés avec une assurance de qualité.

Les actes de soins sont évalués sur des bases scientifiques et pratiques. Elle a pour mission de détecter les zones de non qualité (interaction médicamenteuse, maladie nosocomiale…). La HAS est une autorité indépendante dont la direction est collégiale et composée de 8 personnes dont le mandat est de 6 ans. Elle dispose d’une autonomie financière et politique grâce à ses ressources propres et à des taxes pharmaceutiques.

La HAS fonctionne grâce à une démarche intégrée ; elle évalue les médicaments, les dispositifs médicaux et les actes (ainsi que les nouveaux usages) par rapport au Service Médical Rendu (SMR).

En ce qui concerne l’évaluation des médicaments, elle recherche dans ces nouveautés, leurs effets, l’amélioration possible et intègre une dimension médico-économique qui mesure le coût d’opportunité.

Pour ce qui est des dispositifs médicaux le comité économique des produits de santé (CEPS) fixe le remboursement par conventions avec les laboratoires. Pour un médicament, le marché remboursable représente 90% des ventes. Pour contrebalancer cette position, les laboratoires pharmaceutiques n’hésitent pas à prendre une posture offensive (chantage à l’emploie…)

La HAS joue ici un rôle d’aide à la décision et si la HAS évalue un médicament, par exemple comme une innovation, cette position va jouer un rôle majeur dans l’avenir de ce médicament.

Enfin la HAS publie des recommandations pour les professionnels couvrant l’ensemble du cycle d’une maladie (ex : comment soigner une grippe ou comment soigner un cancer).

La loi de mars 2002 transforme le patient en lui donnant un rôle actif dans le processus de soin. C’est le principe du patient acteur.

La HAS est donc une aide à la décision (grâce à ses experts scientifiques). Elle donne des recommandations aux professionnels (sur les pratiques cliniques, sur la santé publique, sur les usages medico-économique).

Remarque : On constate qu’il est facile d’ajouter une molécule sur le marché mais qu’il est beaucoup plus difficile de l’enlever car les patients surtout âgés sont sensibles à l’habitude.

Avant d’arriver à la HAS, un médicament doit passer par l’AFSSAPS et l’EMEA au niveau européen pour vérifier son innocuité.

La HAS a pour équivalent en Allemagne l’IQWIG (centré sur les patients), au Royaume-Uni le NICE (centré sur l’aspect économique).

Elle possède des moyens d’actions pour interagir avec les acteurs professionnels de la santé :

- Certification des établissements de santé : analyse et audit des structures (publiques et privées). Cela va de l’incendie à la manière dont on soigne un patient.

- Accréditation des professionnels de la santé : obligation de formation continue.

o Evaluation des médecins par d’autres médecins (avec les conseils de la HAS)

- Etude des affections de longue durée : parcours de soin, feuille de route pour le malade.

o Réalisation de guide à prise en compte du malade comme acteur.

- Evaluation des logiciels d’aide à la prescription (pour éviter les interactions médicamenteuse), e-santé.

Cette démarche intégrée (professionnels de la santé, patients, représentant de l’industrie) est originale. La HAS permet de mener un dialogue dépassionné.

· Les relations internationales.

Les actions de coopérations internationales sont très réduites car elles ne font pas partie des missions de la HAS et il n’y a pas de moyen humain et financier suffisant pour les développer en l’état.

Des missions de coopération internationale peuvent avoir lieu ponctuellement si elles apportent une valeur ajoutée sur le plan national. Cependant, il y a un dialogue fort avec les autres institutions européennes. La coopération internationale bénéfique prend la forme d’échanges de savoir-faire et de retour d’expérience. Il s’agit essentiellement d’une comparaison avec les autres institutions similaires pour « voir si ce qui est fait à l’étranger pourrait se faire en France ».

Aujourd’hui, grâce à la HAS, la France peut dialoguer d’égal à égal avec les pays les plus avancés dans le domaine de l’étude des soins. En parallèle, la HAS récence une augmentation de la demande de savoir-faire dans les pays en développement.

Auparavant l’exportation de savoir-faire était plus importante (gérée directement par le ministère de la santé) car elle était utilisée comme contrepartie sur des marchés internationaux touchant à d’autres domaines que ceux de la santé. La démarche était peu institutionnalisée.

Aujourd’hui, il y a des démarche d’ouverture vers les pays les moins avancés, il y a parfois des demandes de la part du MAE qui souhaite utiliser le savoir faire de la HAS pour conforter sa position sur place. Toutefois grâce à son statut indépendant la HAS est à l’abri de ce type de pressions.

Si une évolution de sa mission devait intervenir, cela ne pourrait se faire que par le vote parlementaire.

Aujourd’hui la santé n’est pas gérée par l’UE mais on assiste à une évolution, la commission souhaite voir plus d’homogénéité entre les services des pays de l’Union. Car la base de la libre circulation des personnes repose aussi sur l’accès à des soins similaires dans chaque pays de l’UE. Il y a donc des accords de compensation entre les sécurités sociales des différents pays. Les pays ne fournissant pas une offre suffisante sont contraints de payer pour leur ressortissant se soignant à l’étranger.

L’EMEA (European Agency for the Evaluation of Medicinal Products) est une instance qui valide l’admission de nouveaux médicaments au niveau européen. Elle souhaite articuler la politique européenne de santé en améliorant la coopération entre pays afin de garantir la sécurité des patients.

La HAS cherche à montrer la qualité de son travail auprès de la commission pour être incluse dans tous les processus de décision européen. Pour cela il faut connaître les sujets en cours et à venir.

Les chercheurs et les scientifiques travaillant à la HAS sont de tout premier plan. Afin de garder ses talents la HAS mène une importante politique vers les chercheurs pour les valoriser auprès de leurs pairs et leur offrir une reconnaissance internationale par des publications et la participation à des colloques.

La HAS communique vers les professionnels de la santé et le grand public, ce qui donne la possibilité aux chercheurs de faire passer leurs idées. De plus, des échanges entre différentes institutions équivalentes sont possibles.

En ce qui concerne l’exportation de savoir-faire français dans la santé, il existe deux structures étatiques : GIP santé-international et DAEI (Délégation aux Affaires Européennes et Internationales). Aussi le SGAE (Secrétariat général des affaires européennes), sous le premier ministre, est une structure centralisatrice pour les actions menée dans le cadre européen.

Enfin il y a dans chaque ambassade une personne chargée des problématiques liée à la santé.

En conclusion, la HAS est une structure encore jeune mais qui s’est rapidement imposé comme compétente et reconnue. Son rôle à venir sera très probablement amené à croître.

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