31 mai 2007

Consultation de Pharmacien Sans Frontière






1. Rôle du comité scientifique ?

Le Comité Scientifique est un groupement de professionnels de compétences variées liées au secteur de la santé et plus particulièrement à la santé dans les pays en développement.

PSF-CI est sollicité par ses partenaires sur des sujets de plus en plus pointus nécessitant une expertise particulière: pharmacovigilance, nouveaux protocoles thérapeutiques concernant le sida, le paludisme et la tuberculose, ainsi que la prise en charge des maladies opportunistes.

Un réseau de personnes ressources dans tous les domaines d’expertise en santé publique est en effet aujourd’hui essentiel au développement de la qualité et de l’impact de ses programmes.

Le Comité Scientifique de PSFCI a notamment participé à l’élaboration d’un Diplôme Inter-Universitaire en collaboration avec l’Université Claude Bernard de Lyon 1, l’Université d’Auvergne de Clermont Ferrand 1 et l’Université Joseph Fourier de Grenoble sur « Les Politiques de santé et la gestion pharmaceutique dans les pays en développement ».

2. Rapport entre le comité international et les antennes internationales et départementales?

Le Comité International travaille sur de gros programmes co-financés par les bailleurs de fonds institutionnels de l’aide humanitaire (urgence) et de l’aide au développement (Commission Européenne, Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose, organismes de l’ONU comme l’OMS, l’UNICEF, le PNUD, le FNUAP, etc ).

La gestion de ces gros programmes pour l’accessibilité des populations à des médicaments de qualité exige des salariés à temps plein au siège (une trentaine), des volontaires-expatriés à temps plein sur le terrain (une trentaine) et des personnels locaux salariés (environ 450). Les ONG de solidarité internationale sont aujourd’hui tenues de rendre des comptes aux bailleurs de fonds et aux bénéficiaires, non seulement sur la transparence de leur gestion mais aussi sur la qualité et l’impact des programmes mis en place. De nombreuses actions de solidarité ont en effet créé plus de problèmes aux pays aidés qu’ils n’ont résolu de problèmes.

Les antennes internationales et départementales, tout en respectant la charte du mouvement PSF, travaillent sur des programmes plus petits et s’appuient principalement sur des bénévoles.

Des membres d’antennes internationales et départementales font partie du Conseil d’Administration du Comité International.

3. Rapport avec l’entité Cyclamed

Cyclamed a été créé par l’industrie pharmaceutique pour répondre à l’imposition de la Loi Lalonde, « pollueur/payeur » qui exige que les industries paient une taxe pour assurer la gestion de leurs déchets. Plutôt que de payer la taxe, l’industrie pharmaceutique a préféré créer une association, Cyclamed, chargée de collecter les DIM (déchets issus de médicaments).

Cyclamed a été créé en 1993 et, pour mieux convaincre le grand public de rapporter ses médicaments à la pharmacie, a basé l’essentiel de sa communication sur la ré-utilisation humanitaire des médicaments non utilisés (MNU).

A cette époque, PSF avait déjà compris que les MNU non seulement n’étaient pas adaptés aux problèmes de santé des pays du sud mais représentaient aussi un véritable danger de santé publique et un problème économique pour les pays en développement.

D’autant plus que depuis le début des années 1990, les pays en développement mettaient en place, sous l’égide de l’OMS, des Politiques Pharmaceutiques Nationales basées sur :

- une Liste Nationale de Médicaments Essentiels basée sur la liste modèle OMS et adaptée non seulement aux pathologies du pays mais aussi à la formation du personnel sanitaire. 95% des médicaments de ces listes sont des génériques.

- une Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments Essentiels (génériques pour la plupart) qui, pour faire des économies d’échelle, regroupe les commandes des Dépôts Régionaux qui fournissent les structures de santé,

- un système de recouvrement des coûts impliquant la communauté dans la gestion de son Centre de Santé en fonction de ses moyens, l’enjeu étant de recouvrer suffisamment de fonds pour renouveler les stocks de Médicaments Essentiels du centre.

PSF-CI aide à la mise en place de ces réseaux d’approvisionnement.

Dans ce contexte qui visait l’autonomie des pays pour l’accès de leurs populations aux médicaments essentiels, tout médicament en provenance de l’Etranger ne pouvait qu’avoir un effet pervers.

PSF-CI s’inscrivait donc immédiatement contre le volet dit « humanitaire » de Cyclamed.

Dès 1996, l’OMS éditait les premiers Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments où il était notamment recommandé de ne pas utiliser de MNU ni d’échantillons médicaux dans le cadre de l’aide humanitaire. PSFCI a participé à la rédaction de la révision des Principes Directeurs sortie en 1999 et signé la charte OMS.

4. Position par rapport à l’amendement récent sur les MNU (médicaments non utilisés) ?

C’est avec beaucoup de soulagement que PSF-CI a appris que le Sénat français avait adopté, le 24 janvier 2007, l’amendement présenté par l’Assemblée Nationale visant à interdire l’utilisation humanitaire des médicaments non utilisés, les fameux MNU que de nombreuses associations françaises continuaient à déverser sur les centres de santé des pays pauvres, perturbant la mise en œuvre de Politiques Pharmaceutiques Nationales réglementées qui garantissent la qualité des médicaments et favorisant un marché illicite en pleine expansion. Depuis 1996, l’OMS et ses partenaires agissant dans le cadre de l’humanitaire et du développement demandaient l’arrêt de ces envois (Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments, Art. 5 – http://www.whqlibdoc.who.int/hq/1999/WHO_EDM_PAR_99.4_fre.pdf )

Mais pourquoi donner un délai de 18 mois pour permettre aux « organismes concernés de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement » ? Ces sources d’approvisionnement existent depuis très longtemps et tous les intervenants de l’humanitaire et du développement les connaissent :

- Pour la toute première urgence, des kits de 1ère urgence dont le contenu a été défini par l’OMS et ses partenaires sont fournis par des centrales spécialisées en médicaments essentiels. Chaque kit contient le nécessaire pour soigner 10 000 personnes pendant 3 mois. Dans un cadre de post-urgence, il convient de vérifier auprès des comités de coordination et du Ministère de la santé, quels sont les médicaments habituellement utilisés par les professionnels de santé du/des pays et quels sont leurs fournisseurs afin de ne pas introduire de médicaments inconnus des médecins, infirmiers et patients.

- Quant à l’aide au développement, depuis le début des années 90 les pays ont mis en place des circuits d’approvisionnement et distribution de médicaments appartenant à une Liste Nationale de Médicaments Essentiels (LNME) définie par le Ministère de la Santé qui édite par ailleurs des protocoles thérapeutiques basés sur les médicaments de cette liste. Le regroupement des commandes pour satisfaire les besoins des centres de santé se fait au niveau national afin de réaliser des économies d’échelle. Dans le cadre de l’aide au développement qui vise l’autonomie future des pays, il est impératif de s’approvisionner à travers ces circuits officiels.

PSFCI se réjouit de ce vote mais aimerait que le respect des Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments soit inscrit dans les textes de loi ainsi que le respect des Politiques Pharmaceutiques Nationales des pays en développement ou en situation de crise humanitaire.

Pharmaciens Sans Frontières Comité International lutte depuis plus de 10 ans pour l’interdiction de l’utilisation des médicaments non utilisés (MNU) dans le cadre de l’aide humanitaire et de l’aide au développement en insistant auprès des Ministères de la Santé successifs afin que la France respecte les Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments de l’OMS élaborés en collaboration avec les principaux acteurs de l’aide internationale dont PSF-CI.

Inscrire ces Principes Directeurs dans les textes de loi permettrait d’exiger de tous les intervenants que les Politiques Pharmaceutiques Nationales des pays receveurs soient respectées. Car le respect de ces politiques pharmaceutiques est fondamental si l’on souhaite que toute la population des pays ait accès à des médicaments essentiels de qualité. Déstabiliser ces politiques pharmaceutiques par des dons revient à condamner des millions de personnes.

5. Quelles sont les principales sources de financement : partenaires institutionnels, partenaires privés, dons, cartes de voeux,…?

Grâce à la rigueur et au professionnalisme de ses actions, Pharmaciens Sans Frontières a acquis la confiance des bailleurs de fonds institutionnels et sa réputation auprès des Ministères de la Santé des pays en développement ou en situation de crise humanitaire n’est plus à faire.

Les principaux bailleurs de fonds institutionnels qui co-financent les programmes de PSF‑CI sont :

- ECHO - Service d’Aide Humanitaire de la Commission Européenne

- EUROPEAID – Office de la Coopération de la Commission Européenne

- PATS – Programme d’Appui Transitoire à la Santé de la Commission Européenne

- FED – Fonds Européen de Développement

- FONDS MONDIAL de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose

- MCNG – Mission Coopération Non Gouvernementale du Ministère des Affaires Etrangères français

- FNUAP – Fonds des Nations Unies pour l’Aide aux Populations

- PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement

- DFID – Department For International Development (UK)

- USAID – United States Agency for International Development (US)

- OMS – Organisation Mondiale de la Santé

- UNICEF – Fonds des Nations Unies pour l’Enfance

Travailler avec des bailleurs de fonds institutionnels a permis à Pharmaciens Sans Frontières d’acquérir les compétences et la rigueur exigées pour mener à bien des programmes d’envergure en respectant des conditions et des critères d’éligibilité très stricts.

Les fonds d’origine privée de Pharmaciens Sans Frontières proviennent de dons et de la vente annuelle des cartes de vœux dans les pharmacies françaises.

Cette dernière source de fonds propres doit malheureusement s’accommoder de la concurrence de nombreuses associations et les revenus de cette vente annuelle s’étiolant d’année en année, Pharmaciens Sans Frontières doit aujourd’hui s’orienter vers des partenariats plus stables et plus réguliers.

Car les 15% de co-financements des programmes de développement, les évaluations initiales, les audits aux fournisseurs locaux, les analyses de médicaments collectés sur le terrain, les inter-programmes et tout le fonctionnement de l’association sont assumés sur fonds propres.

De plus en plus sollicitée par les autorités sanitaires des pays en développement pour un appui à la mise en œuvre de leur Politique Pharmaceutique Nationale, c’est quotidiennement que l’association se trouve dans la douloureuse obligation de répondre par la négative par manque de fonds.

Aujourd’hui, c’est pour pouvoir répondre plus souvent aux appels désespérés des populations et des autorités sanitaires des pays les plus pauvres que Pharmaciens Sans Frontières Comité International recherche des partenaires pour co-financer, avec ses partenaires institutionnels habituels, les programmes de développement qu’elle met en oeuvre.

Car dans un monde de plus en plus interactif où chacun dépend des autres, le développement concerne tous les acteurs de la société : société civile, entreprises privées et organismes gouvernementaux. Les intérêts de tous finissent par se rejoindre car nul ne peut se développer sans promouvoir le développement de l’autre.

C’est ainsi qu’on voit chaque jour de plus en plus de collectivités et d’entreprises privées soutenir des programmes humanitaires, non seulement dans un souci de marketing ou de défiscalisation mais aussi et surtout parce qu’elles savent participer ainsi à l’évolution vers le monde de demain et donc à leur propre évolution.

PSFCI est donc en recherche de partenariats avec diverses entreprises privées.

6. Quel est selon vous le rôle des ONG qui interviennent dans le domaine de la santé?

Les ONG médicales interviendront dans les domaines de leurs compétences particulières et selon les besoins exprimés par les partenaires locaux.

PSF est concerné par tous les domaines pharmaceutiques.

Le rôle de ces ONG est de pallier aux déficiences des gouvernements du Sud comme du Nord dans l’accès des populations aux soins de santé alors même que la santé est inscrite dans les droits de l’Homme. Les ONG représentent la contribution de la société civile (organisations non gouvernementales) à un monde plus respectueux des droits des êtres humains.

7. Existe t-il un axe commun des ONG santé ou y a t-il différentes approches?

Certaines ONG se spécialiseront plus dans des actions dites d’urgence qui correspondent à des actions de court terme pour aider lors de catastrophes naturelles (tsunami, tremblements de terre ou autres) ou humaines (guerres), d’autres préfèreront miser sur l’aide au développement pour accompagner les pays dans le développement d’actions visant leur autonomie.

Hormis les situations de toute première urgence (3 à 6 premières semaines) où il faut laisser les ONG médicales spécialisées en première urgence agir, PSF-CI travaille aussi bien en urgence qu’en développement en tant que spécialiste du médicament.

8. Hormis les ONG locales, avec quelles ONG avez-vous des liens forts? Sur quel type de missions êtes vous amenés à travailler?

Sur les terrains d’urgence chronique (guerres qui durent depuis plusieurs années), PSF-CI centralise les approvisionnements en médicaments non seulement pour les structures sanitaires du pays mais aussi pour les ONG médicales qui travaillent sur le pays. Un regroupement des commandes de tous les acteurs humanitaires permet en effet de faire des économies d’échelle conséquentes et les bailleurs de fonds des programmes humanitaires insistent pour que les approvisionnements en médicaments soient gérés par les professionnels du médicament, les pharmaciens, afin d’avoir une garantie de la qualité des produits utilisés sur les programmes qu’ils co-financent. La plupart des ONG médicales ont aussi compris qu’elles avaient tout à y gagner car si chacune d’entre elles devait procéder aux audits fournisseurs, lancer des appels d’offres conformément aux procédures exigées par les bailleurs de fonds et assurer la gestion et le monitoring, elles perdraient beaucoup de temps et d’argent et pourraient traiter moins de personnes.

Les grands programmes de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose ont aussi permis un rapprochement de tous les acteurs de la solidarité car toutes les compétences doivent s’unir pour répondre à ces défis sanitaires.

La compétence particulière de PSF comme « responsable du médicament » rapproche donc l’association de tous les autres partenaires de la solidarité.

9. Partenaires institutionnels : sont ils de simples donateurs ou de réels collaborateurs?

Les défis sont énormes et devant ces défis tous doivent s’unir. Les partenaires institutionnels, qu’il s’agisse d’organismes de coopération des Etats ou de bailleurs de fonds, sont tous impliqués étroitement dans les programmes mis en place. Non seulement parce qu’ils doivent eux aussi rendre des comptes de l’utilisation des fonds qu’ils ont alloué aux ONG (transparence financière) mais aussi parce qu’ils ont une responsabilité à partager sur l’impact et la qualité de ces programmes. Les programmes, leur suivi, leur évolution sur la durée, sont donc discutés en permanence avec ces partenaires et les représentants de la société civile que sont les ONG.

10. Quels sont rapports avec le ministère de la santé et les institutions publiques de santé française?

PSFCI a plus de rapport avec le Ministère des Affaires Etrangères qui co-financent plusieurs de nos programmes de développement, qu’avec le Ministère de la Santé français parce que l’essentiel de nos actions sont à l’Etranger. Les relations avec le MAE sont les relations qui s’établissent entre deux partenaires qui ont le même souci : l’amélioration de l’accès aux soins de santé pour les populations des pays pauvres.

PSFCI sollicitait par contre régulièrement le Ministère de la Santé pour qu’il interdise les associations françaises d’exporter des MNU dans les pays tiers et pour insister sur le fait que les Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments soient respectés. Sans succès il faut bien l’avouer.

Ce n’est qu’en février 2007 qu’une loi a été adoptée par le Sénat français pour interdire l’exportation de MNU.

Rien cependant au sujet des dons de médicaments inappropriés qui ne respectent pas les Politiques Pharmaceutiques des pays du sud.

11. Quel est votre rapport avec l’ordre des pharmaciens?

Très bons rapports avec l’Ordre des Pharmaciens français mais aussi avec les Ordres des Pharmaciens des pays où nous intervenons. Pharmaciens Sans Frontières représente un peu l’apport des pharmaciens à la solidarité internationale.

12. Quel est votre rapport avec l’industrie pharmaceutique?

Avec l’Industrie pharmaceutique de génériques, des rapports de clients à fournisseurs.

Avec l’Industrie pharmaceutique de médicaments de marque, nos intérêts ne sont, à priori, pas les mêmes car nous travaillons principalement avec des médicaments génériques et que ces médicaments sont achetés à travers des appels d’offres.

Cependant, les réseaux pharmaceutiques que nous mettons en place dans les pays du Sud pour permettre l’accès des populations à des médicaments de qualité, toutes les formations des personnels de ces réseaux, toutes les actions de sensibilisation des populations aux dangers des médicaments de la rue, aident à la lutte contre les trafics de médicaments et les contrefaçons qui aujourd’hui inondent les pays du Sud. Sur ce point, notre lutte rejoint celle de l’Industrie Pharmaceutique.

13. Quel est votre rapport avec le corps médical dans son ensemble?

Bonne dans l’ensemble. Chacun dans sa spécialité est un acteur de la santé. Si le médecin connaît mieux le corps humain, le pharmacien en revanche connaît mieux les médicaments, les effets secondaires, les interactions dangereuses, etc.

14. Existe t-il des acteurs avec lesquels vous êtes en contradiction?

Je suppose que vous voulez parler des acteurs de l’humanitaire.

Nous sommes contre toutes les associations, groupes ou individus qui ne respectent pas les Politiques Pharmaceutiques Nationales des pays et les Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments et qui, sous couvert d’action humanitaire, créent de graves problèmes de santé publique à des pays déjà fragiles et décrédibilisent ainsi tous les acteurs sérieux de l’aide humanitaire quand ils ne détruisent pas carrément tous les efforts d’émancipation et d’autonomie des pays pauvres par des dons inappropriés.

15. Quelle est la perception à l’étranger de notre système de santé ?

Nous supposons que les populations du monde entier aimeraient pouvoir jouir du système de santé français actuel mais nous vous rappelons que la viabilité de ce système est fortement remise en cause aujourd’hui.

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